30 janvier 2006
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18:20
Faut-il détordre le droit du travail ?
Entrer dans le fond par la forme
Je reconnais avoir abordé il y a quelques jours le sujet du
C P E en me centrant sur un des aspects de sa forme, démarche qui peut sembler détournée, qui est détournée.
Cela m'a valu quelques commentaires.
Les auteurs du projet en question ont d'ailleurs placé eux-aussi le débat aussi sur ce terrain. Au lieu de parler franchement de modalités de rupture unilatérale, ils ont choisi de réinterpréter (enfin, de tripatouiller) la notion de période d'essai en la détournant de sa raison d'être.
Comme j'y vois une forme de lâcheté administrative, sinon politique, j'ai réagi en tentant de montrer en quoi cette astuce présentait un risque.
Quant au fond, sans avoir pris de position personnelle très marquée, j'ai reconnu qu'à mon avis, en traduisant les peurs engendrées par cette nouvelle disposition en termes de refus, les institutions syndicales, étudiantes comme ouvrières, ou les associations ayant choisi de se manifester, sont dans leur rôle de contre-pouvoir, même si elle ne l'exercent pas de manière constructive.
Si maintenant je veux m'intéresser plus au fond du thème, et sans aller jusqu'à débattre des fondements du droit au travail, je peux poser la question ainsi :
faut-il détordre le droit du travail ?
Détordre, pas pour supprimer,maisi pour cesser de rendre inutilisable à force d'enjolivures et de fragilisation
Détordre, pas en refondant à partir de rien, mais au moins en remettant sur la forge pour en redresser, avec l'énergie voulue, et dans les règles de l'art, les multiples torsions et contorsions.
C P E en me centrant sur un des aspects de sa forme, démarche qui peut sembler détournée, qui est détournée.
Cela m'a valu quelques commentaires.
Les auteurs du projet en question ont d'ailleurs placé eux-aussi le débat aussi sur ce terrain. Au lieu de parler franchement de modalités de rupture unilatérale, ils ont choisi de réinterpréter (enfin, de tripatouiller) la notion de période d'essai en la détournant de sa raison d'être.
Comme j'y vois une forme de lâcheté administrative, sinon politique, j'ai réagi en tentant de montrer en quoi cette astuce présentait un risque.
Quant au fond, sans avoir pris de position personnelle très marquée, j'ai reconnu qu'à mon avis, en traduisant les peurs engendrées par cette nouvelle disposition en termes de refus, les institutions syndicales, étudiantes comme ouvrières, ou les associations ayant choisi de se manifester, sont dans leur rôle de contre-pouvoir, même si elle ne l'exercent pas de manière constructive.
Si maintenant je veux m'intéresser plus au fond du thème, et sans aller jusqu'à débattre des fondements du droit au travail, je peux poser la question ainsi :
faut-il détordre le droit du travail ?
Détordre, pas pour supprimer,maisi pour cesser de rendre inutilisable à force d'enjolivures et de fragilisation
Détordre, pas en refondant à partir de rien, mais au moins en remettant sur la forge pour en redresser, avec l'énergie voulue, et dans les règles de l'art, les multiples torsions et contorsions.
Retrouver les principes sous les procédures
Le droit du travail, à force de retouches de circonstances, d'aménagements dérogatoires, de compromis entre les effets de divers rapports de forces, est aujourd'hui :
-un empilement de procédures complexes admettant des interprétations différentes selon les lieux et les moments
-induisant des pratiques fluctuantes, parfois imprévisibles ou inattendues, souvent perçues comme à la limite de l'abus de droit
-tentant de s'appuyer sur des principes dont l'essentiel est devenu illisible au point de n'être point trop contesté, noyés qu'ils sont dans des définitions que les procédures trahissent et les pratiques camouflent.
Pourquoi ne pas revenir au simple et engager le débat non sur de nouvelles modifications, qui améliorent pour les uns et péjorent pour les autres, mais sur la nécessité d'une purification du système.
Dans le cas des contrats de travail, une fois admise l'utilité de posséder un tel référentiel, une réflexion sur la prise en compte des critères de qualité admis pour les contrats civils ou commerciaux permettrait-elle de satisfaire les divers partenaires?
-un empilement de procédures complexes admettant des interprétations différentes selon les lieux et les moments
-induisant des pratiques fluctuantes, parfois imprévisibles ou inattendues, souvent perçues comme à la limite de l'abus de droit
-tentant de s'appuyer sur des principes dont l'essentiel est devenu illisible au point de n'être point trop contesté, noyés qu'ils sont dans des définitions que les procédures trahissent et les pratiques camouflent.
Pourquoi ne pas revenir au simple et engager le débat non sur de nouvelles modifications, qui améliorent pour les uns et péjorent pour les autres, mais sur la nécessité d'une purification du système.
Dans le cas des contrats de travail, une fois admise l'utilité de posséder un tel référentiel, une réflexion sur la prise en compte des critères de qualité admis pour les contrats civils ou commerciaux permettrait-elle de satisfaire les divers partenaires?
Mettre sous contrôle qualité les contrats
Quels sont ces critères de qualité ?
-la clarté : chaque partie comprend la même chose sur le contenu et les modalités de mise en oeuvre, et sait quoi faire si le problème à résoudre n'a pas sa solution inscrite dans la convention souscrite ;
-la cohérence, interne : des clauses différentes ne peuvent par leur application entraîner une situation bloquée, et externe : les actions respectant le contrat ne viennent pas contrevenir à d'autres contrats établis ;
-la connivence (je sais, le mot n'est pas bien choisi, car sert aussi à désigner dans le langage courant des accords, tacites ou explicites, dont la réalisation peut choquer la morale ou même la loi...) : les parties recherchent une symétrie optimale des obligations, accompagnée d'un bénéfice mutuel, et si le petit partenaire encourt un risque du fait de sa faiblesse institutionnelle, des dispositions compensatoires viennent l'atténuer.
-la non-permanence : chaque partie sait que la situation n'a aucune raison d'être indéterminée dans la durée, et qu'il n'y a pas obligation implicite à ne pas rompre, pourvu que les formes prévues soient respectées.
Il m'est souvent arrivé de dire tout contrat qui ne se proclame pas temporaire porte en lui un mensonge fondamental.
Et que par conséquent un bon CDD vaut mieux qu'un mauvais CDI...
De plus, dans les conditions actuelles, parler de contrat pour désigner un engagement quasi léonin, rédigé par l'employeur, à prendre ou à laisser, est aussi un abus de terminologie.
-la clarté : chaque partie comprend la même chose sur le contenu et les modalités de mise en oeuvre, et sait quoi faire si le problème à résoudre n'a pas sa solution inscrite dans la convention souscrite ;
-la cohérence, interne : des clauses différentes ne peuvent par leur application entraîner une situation bloquée, et externe : les actions respectant le contrat ne viennent pas contrevenir à d'autres contrats établis ;
-la connivence (je sais, le mot n'est pas bien choisi, car sert aussi à désigner dans le langage courant des accords, tacites ou explicites, dont la réalisation peut choquer la morale ou même la loi...) : les parties recherchent une symétrie optimale des obligations, accompagnée d'un bénéfice mutuel, et si le petit partenaire encourt un risque du fait de sa faiblesse institutionnelle, des dispositions compensatoires viennent l'atténuer.
-la non-permanence : chaque partie sait que la situation n'a aucune raison d'être indéterminée dans la durée, et qu'il n'y a pas obligation implicite à ne pas rompre, pourvu que les formes prévues soient respectées.
Il m'est souvent arrivé de dire tout contrat qui ne se proclame pas temporaire porte en lui un mensonge fondamental.
Et que par conséquent un bon CDD vaut mieux qu'un mauvais CDI...
De plus, dans les conditions actuelles, parler de contrat pour désigner un engagement quasi léonin, rédigé par l'employeur, à prendre ou à laisser, est aussi un abus de terminologie.
Gouverner le complexe par le simple
La panoplie actuelle des contrats de travail pourrait être remplacée par un contrat-cadre unique dans ses bases, et subsidiairement déclinable à hauteur de chaque cas particulier, en y greffant soit des modules préstandardisés, mais évolutifs, soit des dispositions spécifiques établies de gré à gré et compatibles avec les principes généraux régissant l'ensemble.
Cette idée est dans l'air, certains la proposent même de manière assez percutante.
Je comprends qu'elle puisse faire peur, mais la réalité actuelle n'a-telle pas de quoi faire encore plus peur ?
Combien de temps encore pourrons-nous étayer les étais de l'édifice avant son effondrement ?
Par exemple la période d'essai, si l'utilité de ce concept était reconnue, pourrait être définie sur la base d'une prescription commune telle que :
-durée comprise dans une fourchette de durée liée à la complexité du poste et aux responsabilités du titulaire
-symétrie dans les modalités de cessation
-situation non discriminante en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération
-statut non opposable à son titulaire par des organismes externes telles que banques et agences
-etc.
Cette idée est dans l'air, certains la proposent même de manière assez percutante.
Je comprends qu'elle puisse faire peur, mais la réalité actuelle n'a-telle pas de quoi faire encore plus peur ?
Combien de temps encore pourrons-nous étayer les étais de l'édifice avant son effondrement ?
Par exemple la période d'essai, si l'utilité de ce concept était reconnue, pourrait être définie sur la base d'une prescription commune telle que :
-durée comprise dans une fourchette de durée liée à la complexité du poste et aux responsabilités du titulaire
-symétrie dans les modalités de cessation
-situation non discriminante en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération
-statut non opposable à son titulaire par des organismes externes telles que banques et agences
-etc.
Retourner la situation à son profit
J'ajoute que si j'avais en ce moment un conseil à donner à un primo-accédant au monde du travail (celle là, je ne l'ai pas inventée), ce serait de ne pas faire la fine bouche devant ce type de contrat, qui sera très probablement mis à l'essai...pour deux ans ?
Et de ne pas hésiter en en tirer les avantages possibles, y compris celui de continuer le cas échéant, et si tel est son désir, à chercher du travail, puis à quitter sans scrupules ni regrets un employeur qui s'est réservé le droit légal de le virer sans autre motif que le fait qu'il a le droit de le faire.
Et de ne pas hésiter en en tirer les avantages possibles, y compris celui de continuer le cas échéant, et si tel est son désir, à chercher du travail, puis à quitter sans scrupules ni regrets un employeur qui s'est réservé le droit légal de le virer sans autre motif que le fait qu'il a le droit de le faire.
Crédits
La sculpture torsion (1962) a été fabriquée par le constructiviste Naum Gabo (1890 - 1977).